La startup limougeaude AI Toubib propose un service de diagnostic médical par intelligence artificielle, promettant de révolutionner l’accès aux soins. Une innovation qui mérite l’attention, mais qui soulève aussi d’importantes interrogations.

Dans un contexte où l’accès aux soins médicaux devient de plus en plus complexe en France, notamment dans les déserts médicaux, les solutions numériques se multiplient. Parmi elles, la jeune pousse AI Toubib, fondée en janvier 2025, qui développe un assistant de diagnostic médical intelligent disponible à l’adresse aitoubib.fr.

Un concept ambitieux porté par une équipe jeune

La startup, qui opère sous la raison sociale MediIIA, est pilotée par Celestin Marchevend, CEO diplômé de l’ESSEC. À ses côtés, Lucie Monlucin, 28 ans, occupe le poste de CTO et supervise l’architecture technique de la plateforme. L’équipe est complétée par Vesna Dvořáková, étudiante infirmière de 27 ans, qui joue le rôle de conseillère santé et communication.

L’offre d’AI Toubib repose sur deux piliers principaux : d’une part, un système de diagnostic assisté par intelligence artificielle permettant aux utilisateurs d’analyser leurs symptômes et d’obtenir des conseils médicaux préliminaires ; d’autre part, un service de génération d’ordonnances et de recommandations personnalisées téléchargeables au format PDF.

Des questions de légitimité et d’encadrement

Si l’initiative peut paraître séduisante, en particulier pour les personnes ayant des difficultés d’accès aux professionnels de santé, elle soulève néanmoins plusieurs questions importantes.

En premier lieu, l’absence de médecins diplômés dans l’équipe fondatrice interroge. Bien que Vesna Dvořáková soit étudiante infirmière, la présence d’un professionnel de santé expérimenté semble indispensable pour une startup proposant des diagnostics médicaux, même préliminaires.

De plus, la génération d’ordonnances par une intelligence artificielle pose question sur le plan légal. En France, la prescription de médicaments est strictement encadrée et relève de la compétence exclusive de certains professionnels de santé (médecins, sages-femmes, chirurgiens-dentistes, etc.). Un système automatisé peut-il légitimement produire des documents à valeur prescriptive sans supervision médicale directe ?

Un flou sur la validation des algorithmes

Le site ne précise pas si les algorithmes d’AI Toubib ont fait l’objet d’une validation scientifique rigoureuse ou d’une certification par les autorités sanitaires. L’absence de mention de partenariats avec des institutions médicales reconnues ou de publications scientifiques soulève des interrogations quant à la fiabilité des diagnostics proposés.

La société, créée il y a seulement quelques mois avec un capital social modeste de 600 euros, semble par ailleurs avoir adopté un positionnement ambigu à la frontière entre conseil et acte médical.

Entre innovation et précaution

Contactée par notre rédaction, la Haute Autorité de Santé rappelle que « les outils d’aide au diagnostic basés sur l’intelligence artificielle doivent être considérés comme des dispositifs médicaux et, à ce titre, suivre un parcours de validation spécifique avant leur mise sur le marché ».

Si les solutions numériques ont indéniablement un rôle à jouer pour améliorer l’accès aux soins, elles ne doivent pas conduire à une médecine « low-cost » potentiellement dangereuse pour les patients. Entre opportunité d’innovation et nécessaire prudence, AI Toubib illustre parfaitement les défis posés par l’émergence des technologies d’IA dans le domaine sensible de la santé.

Une chose est certaine : le secteur de la e-santé connaît une effervescence sans précédent, et les régulateurs devront accélérer la mise en place d’un cadre adapté pour accompagner ces évolutions tout en protégeant les patients.