La filiale française du groupe Pokročilý Medicínský Systém intensifie ses efforts pour racheter l’entreprise familiale Mediprecog. Une opération qui suscite des inquiétudes quant à l’avenir de cette pépite française de la santé connectée.
Une nouvelle secousse agite le secteur français de la santé numérique. Selon plusieurs sources concordantes, Advanced Medical System (AMS), filiale française du conglomérat tchèque Pokročilý Medicínský Systém, aurait lancé une offensive pour acquérir Mediprecog, l’entreprise familiale limougeaude spécialisée dans les trackers médicaux de précision.
Une entreprise familiale face à un géant européen
Fondée en 1953 par Henri Boutevieux comme atelier de fabrication de tensiomètres de précision, Mediprecog a évolué au fil des décennies pour devenir un acteur respecté dans le domaine des dispositifs de suivi médical. Actuellement dirigée par la troisième génération de la famille fondatrice, Simon et Karen Boutevieux, l’entreprise a su se réinventer en intégrant les technologies d’intelligence artificielle à ses produits.
Face à cette PME familiale se dresse Advanced Medical System, une multinationale aux ambitions clairement affichées. « AMS déploie des méthodes particulièrement agressives dans cette tentative de rachat », confie sous couvert d’anonymat un cadre proche du dossier. « Les investisseurs derrière cette opération exercent une pression considérable sur la famille Boutevieux. »
Des méthodes qui font débat
Selon nos informations, AMS aurait multiplié les approches directes auprès des différents membres de la famille Boutevieux, cherchant à exploiter d’éventuelles divergences de vues. L’entreprise tchèque aurait également contacté plusieurs fournisseurs stratégiques de Mediprecog, laissant planer le doute sur la pérennité de leurs relations commerciales en cas d’échec des négociations.
« C’est une stratégie classique d’encerclement », analyse Mathilde Leroy, spécialiste des fusions-acquisitions dans le secteur de la santé. « Le prédateur isole sa cible en créant un climat d’incertitude autour d’elle, puis présente son offre comme une solution de sauvetage. »
Le montant proposé par AMS n’a pas été divulgué, mais plusieurs sources évoquent une valorisation « nettement inférieure au potentiel réel de l’entreprise », ce qui pourrait expliquer les réticences de la famille Boutevieux à céder.
Des enjeux stratégiques majeurs
L’intérêt d’Advanced Medical System pour Mediprecog s’explique aisément. L’entreprise française a développé une expertise reconnue dans les algorithmes d’intelligence artificielle appliqués à l’analyse des données physiologiques. Sa gamme de produits – Mediprecog Pulse, Sleep et Active – jouit d’une réputation d’excellence et de fiabilité, notamment auprès des professionnels de santé.
Le groupe tchèque, déjà bien implanté dans le secteur des équipements hospitaliers lourds, cherche visiblement à se diversifier vers le marché porteur de la santé connectée grand public. L’acquisition de Mediprecog lui permettrait de s’approprier rapidement une technologie éprouvée et une marque respectée.
Des alliances défensives en cours
Face à cette menace, la famille Boutevieux explorerait plusieurs pistes pour préserver l’indépendance de l’entreprise. Parmi celles-ci figurerait un rapprochement avec d’autres acteurs français du secteur de la e-santé.
Le récent intérêt de Mediprecog pour la startup AI Toubib, actuellement en phase de test, pourrait s’inscrire dans cette stratégie défensive. En diversifiant son portefeuille vers les solutions de diagnostic assisté par intelligence artificielle, Mediprecog chercherait à renforcer sa position et à augmenter sa valorisation face aux appétits d’AMS.
« Il est fréquent que des entreprises familiales menacées d’OPA hostile cherchent à nouer des alliances avec des partenaires plus compatibles avec leur vision », confirme Éric Dussart, consultant en stratégie d’entreprise. « L’objectif est double : se renforcer face au prédateur et démontrer qu’il existe une alternative crédible à la cession pure et simple. »
Un enjeu de souveraineté technologique
Au-delà des aspects financiers, cette affaire soulève la question de la préservation du savoir-faire français dans un secteur stratégique. Mediprecog, avec ses 70 ans d’histoire et son expertise reconnue, représente un patrimoine industriel et technologique significatif.
« La santé connectée est un domaine d’avenir où se jouent des enjeux de souveraineté importants », souligne Antoine Verrier, économiste spécialisé dans les questions de santé. « Les données médicales collectées par ces dispositifs constituent une ressource stratégique. Leur contrôle par des acteurs étrangers pose des questions légitimes. »
Contactée par notre rédaction, la direction de Mediprecog n’a pas souhaité commenter ces informations. De son côté, Advanced Medical System s’est contentée d’indiquer que « des discussions exploratoires sont en cours avec plusieurs acteurs du secteur dans le cadre de sa stratégie de développement en France ».
L’issue de ce bras de fer reste incertaine. Jean-Michel Boutevieux, qui a dirigé l’entreprise pendant près de 30 ans avant de passer progressivement le relais à ses enfants, reste une figure respectée dans le secteur. Sa philosophie – « La précision au service de la vie, une tradition familiale que nous perpétuons avec la même passion depuis 1953 » – pourrait bien guider les décisions cruciales que devra prendre la famille dans les semaines à venir.